Sélection du mois : Belleville par Thomas Boivin

Sélection du mois : Belleville par Thomas Boivin

J'ai découvert Thomas Boivin par son livre Belleville aux éditions Stanley/Barker. Il y immortalise en noir et blanc les visages et les rues du quartier parisien emblématique, en constante évolution, sur près d'une décennie.

Une approche organique de la photographie

Comme une errance proche de (chez-) soi, la photographie de Thomas Boivin s'apprécie comme une exploration urbaine, au fil des rencontres.
Loin d'un projet structuré ou pensé avant ou pendant la prise de vue, son livre est un témoignage ancré dans réel, dans le quotidien de son quartier.

Quotidien qu'il décrit sans intention documentaire précise. Et c'est peut être toute la force du livre : s'attacher à (re)voir des visages presque connus, des situations presque vécues, comme si le photographe ancrait ses portraits dans une sorte d'imaginaire collectif du quartier de Belleville et de Paris.

Image extraite du livre Belleville de Thomas Boivin aux éditions Stanley/Barker.

La spontanéité du photographe a un avantage indéniable : se satisfaire de l'aléatoire, comme si le medium photographique n'était là que pour illustrer cette exploration, un carnet de marche en quelque sorte.

Une manière presque méditative d'être en connexion avec ce qui l'entoure et ce qui l'anime intérieurement.

Les photographies, prises à l'argentique et en noir et blanc, sont (paradoxalement) pour le photographe un moyen de s'éloigner de la vérité que peut offrir la couleur.

Une intemporalité qui contribue également à cette part rêvée de réalité.

Belleville, un quartier historique

Belleville n'est pas un choix anodin pour Thomas Boivin: il s'agit d'un quartier est profondément ancré dans l'histoire de la photographie. L'ouvrage emblématique Belleville Ménilmontant de Willy Ronis, sorti en 1954, en est un exemple marquant.

Il y dépeint la vie dans le 19ème arrondissement, une zone reconnue pour son histoire riche en accueil d'immigrés.

D'autres photographes iconiques tels que Robert Doisneau, Marcel Bovis, Edouard Boubat, Sabine Weiss ou encore André Kertész se plieront également à l'exercice, immortalisant ce Paris d'autrefois, et liant ce quartier à l'école humaniste des années 50.

De Mark Steinmetz à Judith Joy Ross, une approche résolument moderne du portrait et du noir et blanc

Thomas Boivin offre une perspective moderne, s'inspirant de photographes américains et délaissant l'image pittoresque traditionnelle de Paris.

Il explore Belleville avec une approche à la fois rituelle et intuitive, capturant l'authenticité du quartier et de ses habitants. Il ne cache d'ailleurs pas ses influences, comme Judith Joy Ross dans ses portraits parisiens.

La vision de la photographe est singulière : elle abhorre un style austère unique où les portraits capturent divers aspects de la société américaine (figures politiques, jeunes, soldats).
Elle-même influencée par des photographes renommés tels qu'Eugène Atget et Dorothea Lange, elle établit une relation de confiance forte avec ses sujets, en mettant en avant leur force, leur fragilité et l'intériorité de chaque individu.
Image extraite du livre Belleville de Thomas Boivin aux éditions Stanley/Barker.

Ici aussi chez Thomas Boivin on retrouve ces moments éphémères, ces émotions, qui établissent une connexion profonde avec le quartier et ses habitants.

Ainsi, l'essence de Belleville, vibrante et intime, demeure intemporelle.